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Conversations avec l'enfant en institutions

Mai 2004

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Guy Poblome, Conversations, traductions, nominations

Yves Vanderveken, La jouissance dans la psychose domestification ou invention

Susana Bengochea, L'enfant qui est ce qu'elle fait

Florence Hougardy, « Ne change pas de sujet ! »

Raphaëlla Marrazzo, « Votre Seigneurie daignerait-elle ? »

Maïté Masquelier, Du dessin à l'écriture

Véronique Cornet, « Apprendre » à un schizophrène

Jean-Jacques Manicourt et Rita Mercier, L'éveil ou les bricoleurs du savoir

Autismes extraordinaires et états-limites ordinaires

Gilles Chatenay, Le monde de la lettre est silencieux

Jean-Pierre Rouillon, De la psychose à l'autisme

Patrick Monribot, Critique des états-limites

Abstracts


Editorial

 

Le texte d’Eric Laurent, « Les traitements psychanalytiques des psychoses », publié dans le n° 21 des Feuillets du Courtil a frappé les esprits. Epinglons la citation suivante : « L’entreprise de traitement psychanalytique des psychoses consiste, dans une conversation avec le sujet, à lui faire poursuivre son entreprise de traduction toujours possible puisque la jouissance manque à l’océan des noms propres. » 1 Trois termes peuvent être extraits de cette phrase : conversation, traduction, nomination, trois termes qui constituent les axes d’un abord renouvelé de la psychose.

Il convient de rappeler le contexte dans lequel ce travail a été produit : c’est celui des trois grandes rencontres des Sections cliniques francophones. Et c’est notamment dans le volume La psychose ordinaire qu’Eric Laurent lance les premiers jalons de ce qu’il déploiera dans le texte cité 2 .

Comment écrire en quelques mots ce qui fait le fondement de ce renouveau ? Lacan peut sûrement nous y aider : le symbolique n’est plus « le meurtre de la Chose », le langage constitue « l’appareillage de la jouissance » 3 . A partir de ce point, la clinique, notamment des psychoses, tend à se formuler différemment : le Nom-du-Père se pluralise et nous trouvons les témoignages de solutions singulières, de noms-du-père non standards, agrafes, points de capiton ou d’ancrage. La rupture discontinuiste du déclenchement fait une place à une clinique — comme à une pratique — continuiste où il est question de débranchement, de rebranchement, de gradation aussi. Le symptôme considéré d’abord comme dysfonctionnement devient lui-même un élément du système d’appareillage, il devient une nécessité et peut prendre la voie de la « sinthomisation » dans la psychose. Nous pouvons entendre dans ces quelques lignes toute la souplesse élastique du noeud borroméen qu’appelle la psychose.

Cette perspective est essentielle lorsque nous travaillons par exemple dans une institution qui accueille des sujets psychotiques. Car si nous courons après la grande métaphore délirante qui stabilise Schreber, si nous croyons en la belle identification qui va arrimer le sujet à tout jamais, nous trébucherons toujours sur la jouissance. L’entreprise de traduction de la jouissance par le moyen de la conversation implique un mouvement continu au cours duquel la recherche du nom peut se fixer « un certain temps » nous dit Eric Laurent. Rien n’est jamais acquis, sauf peut-être, et c’est la solution joycienne, de se faire entrepreneur, jusqu’au bout.

Plusieurs des textes cliniques en témoignent : les esprits ont été frappés, et les pratiques s’en sont trouvées modifiées, alors que parfois le travail avec le sujet se trouvait dans l'impasse.

Enfin, notons que quasi la totalité des textes repris dans ce numéro est issue de conférences ou de travaux présentés dans les différents séminaires organisés et animés par Alexandre Stevens au Courtil depuis maintenant plus de vingt ans. Et l'enthousiasme est toujours au rendez-vous.

 

Guy Poblome     

1 E. Laurent, « Les traitements psychanalytiques des psychoses », les Feuillets du Courtil, 21, février 2003, pp 7-24.

2 Le conciliabule d’Angers, La conversation d’Arcachon et La convention d’Antibes, Collection Le Paon, Agalma, Seuil. Voir notamment dans La convention d’Antibes, les pages 256-260 et 339-348.

3 J. Lacan, Le Séminaire, Livre XX, Encore (1972-1973), Paris, Seuil, 1975, p. 52.