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Aux limites du lien social : les autismes

Janvier 2008

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Editorial

Jean-Robert Rabanel

 

Aux limites du lien social : les autismes

Alexandre Stevens

Jean-Claude Maleval, Quel traitement pour le sujet autiste ?

Dominique Holvoet, Les autismes et les conditions du lien

 

Traitements psychanalytiques de l’autisme

Christiane Alberti

Véronique Mariage, Avec l’enfant autiste, quelle pratique clinique ?

Jean-Pierre Rouillon, Un traitement au long cours : de la défense à la création

C. Alberti, P. Calvayrac et M. Corbière-Fauvel, Traces et construction

Florence Marion, Dire quelque chose à l’enfant autiste

Chantal Simonetti, L’enfant au micro

 

Avec Rosine et Robert Lefort

Véronique Robert

Marie Bremond, La recherche pulsionnelle chez l’enfant autiste

Fabienne Hody, Pertinence clinique de la distinction de l’autisme

Bernadette Schifflers, Un travail d’écriture

 

Clinique de l’autisme en institution

Mariana Alba de Luna, « Un partenariat hors sens » ou le relais du corps

Athéna Lazarou, Accueillir Louise

Raphaëlla Marrazzo, De son existence dans l’enchaînement des instants

Ludovic Quinonero, « Je suis un ancien autiste »


EDITORIAL Feuillets du Courtil n° 29

Editorial, Jean-Robert Rabanel, Président du RI3

La présentation sur la liste électronique du RI3 de ce numéro des Feuillets du Courtil soulignait le combat de la psychanalyse contre les thérapies cognitivo-comportementales. Et avec la parution du très beau livre de Jacqueline Berger, Sortir de l’autisme, chez Buchet-Chastel, cette présentation mettait également en valeur le réveil des consciences les plus nobles pour reconnaître, aux côtés de la psychanalyse, la dimension du sujet chez les autistes.

Il y a bien là un affrontement entre une vision objectivante, scientiste, réductionniste et celle de la psychanalyse qui, avec Lacan, lui a toujours livré bataille, en tout cas lui a résisté. La résistance aux cognitivistes a commencé dès le début des années quatre-vingt-dix avec la création des Sections cliniques hors Paris et celle du RI3, le Réseau International d’Institutions Infantiles, par Jacques-Alain Miller en 1992.

Ce mouvement de résistance aux cognitivistes et aux comportementalistes se poursuit encore de nos jours avec l'appel lancé par Jacques-Alain Miller : « résister aux cognitivistes » pour que vive la psychanalyse. D’autant plus que l’actualité a singulièrement accentué cet affrontement avec la récente publication de l’avis n° 102 du Comité Consultatif National d’Ethique pour la science de la vie et de la santé sur l’autisme, aux conclusions affligeantes.

Dans ce contexte, et dans celui plus douloureux du décès de Rosine et Robert Lefort au début de l’année 2007, la parution des Feuillets du Courtil, annoncée pour les VIIIèmes Journées du RI3, prend une toute autre portée. Elle témoigne autant du travail en profondeur sur l’autisme dans notre Champ que d’une réponse apportée au Comité Consultatif National d’Ethique.

Les avancées sur l’autisme dans notre champ

Les IIèmes Journées du RI3, les 28 et 29 Janvier 1995 à Clermont-Ferrand, « Paroles hors discours dans l’autisme et la schizophrénie », ont fait la démonstration qu’une voie était ouverte à partir de la psychanalyse selon l’orientation de Jacques Lacan concernant l’autisme et la schizophrénie, spécialement à partir d’expériences particulières des institutions composant le RI3. Cette voie est éthique, l’autisme et la schizophrénie ne sont pas des maladies mais des positions subjectives relevant d’un choix. Elle se caractérise par une innovation clinique, une clinique ironique, et un traitement. Il y a un traitement possible de l’autisme et de la schizophrénie. Le dernier enseignement de Lacan s'ouvre, dans la pratique, sur un traitement de la jouissance autre que le père, sur un traitement par l’objet, par le maniement de la lettre et le dialogue comme sortie de l'autisme.

S’agissant de l’autisme, les Journées du RI3 de 1995 ont montré qu’il y avait un enseignement de Lacan concernant l’autisme, qui va du Séminaire I jusqu’à la « Conférence de Genève » en 1975, en passant par l’« Allocution sur les psychoses de l’enfant » de 1967. Cet enseignement se marque par une certaine constance de la position de Lacan pour faire de l’autiste un sujet à la parole, inclus dans le langage, même si cette parole se réduit à son trognon, même si le langage se réduit à un langage dont nous n’avons pas le code. C’est successivement ce trognon de la parole, ce langage sans code, ce signifiant tout seul, que Lacan élève à la dignité d’une incarnation du surmoi, soulignant par là le rôle essentiel du surmoi dans les psychoses chez l’enfant.

La question du signifiant tout seul dans l’autisme a été introduite lors du débat « Autisme et schizophrénie » qui eut lieu en 1999 lors de la Journée du Cereda, en présence de Robert et Rosine Lefort. Animé par Dominique Laurent, Pierre Naveau et Jean-Pierre Rouillon, ce débat a permis d’entendre l’apport du RI3, avec la pratique hors sens par le S1 tout seul et la question de la sortie de l’autisme ; c'est dire qu'il est loin de se résumer à la question de la structure ou non de l’autisme. Les articles d’Eric Laurent et de Jean-Claude Maleval, publiés dans le numéro 66 de la revue la Cause freudienne ont apporté chacun les prolongements qu’il fallait pour reprendre le débat.

La clinique de l’autisme est certes à distinguer de la clinique de la schizophrénie et de celle de la paranoïa mais elle fait partie intégrante de la clinique différentielle des psychoses. Elle est incluse dans la forclusion généralisée, point ultime où tout le symbolique est réel, où la jouissance est entièrement localisée dans le signifiant S1 qui le véhicule.

Le point que nous partageons tous par rapport à la jouissance, c’est le rapport au signifiant en tant que tel, c’est-à-dire au signifiant Un, tout seul. C’est à partir de ce point-là, commun à tous, où le signifiant nous met en rapport avec la jouissance, que nous nous distinguons par une série de choix, d’engagements dans un mode de jouissance plutôt qu’un autre.

Alors, la vraie question de la sortie est : comment passe-t-on du S1 au S2 ? Jacques-Alain Miller indiquait que l’on passe de la langue à la structure de langage par une perte de jouissance : castration dans la névrose et son équivalent dans la psychose, à savoir négativation, itération à l’infini dans le réel. Il y a une façon d’opérer pour faire halte à la jouissance à partir du S1 et non à partir du S2 qu’il n’y a pas au préalable.

Les dernières avancées de Jacques-Alain Miller dans son cours font, à la suite de Rosine et Robert Lefort, de l’autisme le statut natif du « sujet ». Elles nous conduisent à poser la question de la sortie de l’autisme d’une autre manière, inédite, comme passage obligé pour instaurer le dialogue.

Ce sera un des enjeux et non des moindres des VIIIèmes Journées du RI3 auxquelles la publication de ce numéro des Feuillets du Courtil est une contribution majeure. Voilà qui laisse présager de l’importance de ces Journées. Il s’agira de faire le point où nous sommes dans notre expérience de l’autisme et de le faire valoir comme une réponse à nos détracteurs.