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Trouvailles cliniques et création du sujet
Janvier 1999


Carte blanche, Alexandre Stevens 5
 

L’orientation lacanienne

Jacques-Alain Miller, Une nouvelle modalité du symptôme 11
 

Trouvailles cliniques et création du sujet

Jean-Pierre Rouillon, Amour et autisme 33
Diana Bergovoy, Ophir, une modalité d’ancrage reprise dans une intervention 41
Véronique Mariage, Des enfants à qui l’on ne peut rien demander 45
Pierre Malengreau, D’une suppléance psychotique sans avenir 51
Marie-Jeanne Brichard, Guillaume ou de l’âge des cailloux à celui du livre 65
Dominique Holvoet, « Je viens pour oublier » 71
Danièlle Rouillon, Droits et pulsions d’un descendant du XVIIe siècle 77
Katty Langelez, Question de transferts dans un cas de schizophrénie 83
Christine Cartéron, Un sujet discret 89
Maryvonne Normand, La lettre barrée 95
Françoise Huvelle, L’agenda 101
Rudi Loontiens, Du traitement du réel par l’image 105
Charlotte Mahé, Des maux aux mots 113
Isabelle Hardy, D’un divin arrimage 117

 

 

Carte blanche, par Alexandre Stevens

Il y aura bientôt les IVemes Journées du RI3. Le RI3 est le Réseau International des Institutions Infantiles. Ce réseau est un des instruments que le Champ Freudien a organisé pour promouvoir dans le monde une place que la psychanalyse n’aurait pas dû y perdre.

Jacques Lacan a travaillé à donner au discours psychanalytique une pertinence dans la sériation des expériences de l’acte qu’il produit. Il a aussi voulu que ce discours ait une influence sur le monde d’aujourd’hui. C’est en ce sens qu’il pouvait dire que le discours analytique offre une sortie possible au discours capitaliste.

Le discours capitaliste tient ses fondements d’une universalisation des modes de jouissance. Il s’agit désormais pour tout sujet du libéralisme de souhaiter jouir du même objet proposé par le marché dont la publicité est faite sur toutes les chaînes de télévision. A chacun de pouvoir s’y inscrire, en souhaitant cet objet de consommation, ou de s’en trouver exclu, en souhaitant le même sans pouvoir l’obtenir.

Quand nous disons avec Jacques-Alain Miller et Eric Laurent (1) que le monde d’aujourd’hui est un monde où l’Autre n’existe pas, nous disons que faute d’un idéal paternel nouveau, il n’y a aucun autre point d’ancrage possible pour le sujet que celui, singulier, de son symptôme.

La singularité du symptôme, le un par un du cas par cas, les modalités particulières que chacun trouve pour sa jouissance, témoignent pour nous des réponses de chaque sujet bien plus que ne pourraient le faire leurs idéalisations.

Le Champ Freudien veut reconquérir cette place particulière à chacun contre le discours général, universalisant, du capitalisme. Il opère cette reconquête par deux voies : celle du RI3 et celle du CIEN.

Le CIEN s’occupe spécialement des modes par lesquels le sujet moderne est l’objet d’une ségrégation. Lacan en a donné les exemples dans le camp de concentration et le marché commun (2).

Le RI3 s’occupe du cas par cas des sujets ségrégués à partir de leur position clinique. Nous savons que dans la situation économique difficile que nous connaissons aujourd’hui les plus exclus sont les sujets psychotiques qui, du fait de conditions sociales particulières, sont de surcroît exclus de leur famille et envoyés en institution. C’est de ces sujets dont il sera question lors des prochaines Journées du RI3.

Ce sont certes des Journées consacrées aux enfants. Mais nous le savons, depuis Freud, les enfants sont déjà des sujets, depuis toujours, et les adultes n’ont d’autre tâche que de retrouver leur propre problématique infantile, au travers de leur fantasme, s’ils veulent savoir ce qu’ils sont.

Faute de pouvoir encore s’orienter sur le Père — ce qui désormais est sinon interdit, au moins défaillant — il s’agit de savoir ce qui oriente pour chacun son mode de traitement de sa jouissance. Autre manière de dire avec Lacan : se passer du père à condition de pouvoir s’en servir.

Il s’agira donc lors de ces Journées de situer, non le rapport de chaque sujet à l’Œdipe, mais plutôt son, ou ses, points d’ancrage possibles à trouver en institution ou ailleurs — mais toujours en institution donc (3). Nous aurons à distinguer ces points d’ancrage possibles de chaque sujet, pris un par un, des trouvailles que chaque intervenant en institution (4) pourra y adjoindre.

Points d’ancrage… Trouvailles… Voilà donc notre programme, si nous voulons savoir.

 

 

Alexandre Stevens,
Janvier 1999

NOTES

(1) J.-A. Miller et E. Laurent, « L’Autre n’existe pas et ses comités d’éthique », L’orientation lacanienne, cours au département de psychanalyse Paris VIII, 1996-1997, (inédit).

(2) A. Stevens, « Camp de concentration, Marché Commun et ségrégation », Quarto, Revue de l’ECF-ACF en Belgique, « Les conditions d’une transmission », 66, nov. 98, pp. 39-40.

(3) E. Laurent, « Institution du fantasme, fantasmes de l’institution », Les Feuillets du Courtil, 4, L’institution et le particulier, paradoxe, avril 1992, pp. 9-20.

(4) L’intervenant en institution n’est certes qu’un analysant civilisé, comme l’a fait remarquer Eric Laurent lors d’une communication privée à Anne Lysy mais il faut ajouter que à chaque cure se joue la question : dans quelle institution, fut-elle d’une cure analytique ? Lire à ce propos le texte de Katty Langelez « Installation d’une institution en privé » (à paraître dans Préliminaire, Publication du Champ freudien en Belgique, 11).