17

L'identité en souffrance
Mars 1999


Carte blanche, Jacques Borie 5
 

L'identité en souffrance. Réponses de la psychanalyse
5e colloque de l'ACF-Lille - 14 mars 1998

Kaltenbeck Franz, Introduction à la clinique lacanienne de l'identification 9
Morel Genevieve, Féminite contre identité 15
Lemonnier Brigitte, L'enfant de cœur 23
La Sagna Philippe, Crise d'identité ou crise de désir 29
Mariage Véronique, Clinique différentielle de l'identification chez l'enfant psychotique 37
Poblome Guy, Les voitures d'origine et d'aujourd'hui 43
Tremeau Tristan, Zoran Music, la leçon de Dachau 49
Baio Virginio, Aller au-dela de l'identification ? 55
Boudailliez Sylvie, Suis-je fou comme lui ? 61
Fleury Emmanuel, Perdre son identité 69
 

Clinique des points d'ancrage chez l'enfant psychotique

Bosquin Patricia, Les points « re-pères » de Tom 77
Helen Claude, Un ancrage pacifiant 85
Servais Veronique, Etre plus tard footballeur et "poubelleur" 91
Vandenhemel Serge, Une Melody mélancolique 97
Taverna Isabelle, Michaël ou comment mourir pour renaître 107
 

Travaux

Zenoni Alfredo, La lettre, au-dela de l'hermeneutique. Une introduction au séminaire de Jacques-Alain Miller 113
Ramos Carlos, L'objet freudien avec Lacan, Abraham et Klein 125
Gastambide Michèle, Sujet cartésien et sujet de l'inconscient 129

 

 

Carte Blanche, par Jacques Borie

A Lille, un événement !

Les quatrièmes journées du RI3

 

Les 30 et 31 janvier dernier se sont tenues à Lille les IVè journées du Réseau international d’institutions infantiles du Champ freudien. Après Tournai en 93, Clermont-Ferrand en 95, Bruxelles en 97, les quatre institutions qui en font partie (l’Antenne 110 à Bruxelles, le Courtil à Leers-Nord, le CTR de Nonette et Misch’Olim de Tel Aviv) avaient invité tous ceux qui se sentent concernés par l’orientation psychanalytique dans le travail en institution avec les sujets psychotiques à se retrouver autour du thème : « Point d’ancrage : la création des repères subjectifs en institution ». Ce titre, proposé par Jacques-Alain Miller, tranchait par sa nouveauté ; ce n’est pas un concept psychanalytique courant, plutôt un signifiant nouveau. Il invitait donc à la création plus qu’à la citation et au rabâchage. Cette invite fut parfaitement entendue puisqu’aussi bien au niveau du nombre (540 participants et les organisateurs — l’équipe du Courtil et spécialement Véronique Mariage — durent même clore les inscriptions à l’avance !), de la qualité des travaux présentés et du style d’échanges qu’ils permirent, le sentiment partagé par beaucoup à la fin de ces journées était que ce pari sur l’innovation avait montré toute sa pertinence.

L’époque où le travail en institution pouvait s’inspirer de références comme « faire exister la loi symbolique, intervenir à partir du Nom-du-Père » est bien révolue ; c’est une clinique qui ne part pas de l’Autre mais des modes de jouissance propres à chaque sujet qui s’est élaborée collectivement, à partir de compte-rendu d’expériences plus que de thèses toutes prêtes qu’il ne s’agirait que de vérifier ; c’est donc à cette clinique nominaliste (Eric Laurent), où le cas est supérieur à la thèse que nous devons de pouvoir apprendre quelque chose des inventions des sujets psychotiques. Pour cela, il faut certes des conditions dans l’Autre, à savoir qu’il soit réglé par son manque et non par l’idéal ou le savoir, mais surtout une grande docilité à l’expérience, à la surpris, à la contingence. L’ancrage possible n’est donc pas celui que fournit ready made l’institution mais celui que le sujet souvent à la dérive peut se donner pour peu qu’un intervenant l’accompagnant de sa présence attentive bien que souvent un peu en retrait, soit là pour en prendre acte.

Le style de travail revendiqué par le RI3 sous le signifiant de « la pratique à plusieurs » s’est également manifesté dans les exposés où l’élaboration collective ne vient nullement en opposition à l’énonciation personnelle mais au contraire la nécessite, vérifiant une fois de plus que la psychanalyse fait lien social à partir du plus intime et non de l’universel. De même, les expériences relatées mirent très souvent l’accent sur la dimension de hors sens des inventions des psychotiques comme de celles des intervenants sans que cela produise un sentiment d’ineffable ; là encore, la transmission n’est pas essentiellement conditionnée par un effet de sens mais par une logique due à une orientation et par un désir décidé pour la soutenir.

C’est donc toute la communauté de travail du Champ freudien qui se trouve enrichi par ses journées, à la fois sérieuse et légères, où la gaieté que le Docteur Lacan regrettait de trouver si peu au rendez-vous de nos réunions (et justement lors de son Discours de clôture au colloque sur les psychoses de l’enfant !) fut très présente ; sans doute était-ce aussi l’effet de s’enseigner de l’ironie du schizophrène si souvent relevé dans ces journées mais aussi distinguée de notre goût pour l’humour et le witz.

Jacques Borie,
Janvier 1999