7

L'inconscient et son rapport au sexe
Juin 1993


Editorial, Alexandre Stevens : Recorrido

5

L'inconscient et son rapport au sexe

Franz Kaltenbeck, Le frayage de la libido

11

Geneviève Morel, L'inconscient sous transfert

17

Véronique Mariage, L'enfant, le sexe et le phallus

23

Herbert Wachsberger, Hystérique, mais pas comme tout le monde

29

Colette Chouraqui-Sepel, Docteur es-sexe

37

Colette Soler, La différence des sexes dans l'inconscient

43

Colette Vanbeughen, Bertrand et sa mère

51

Sylvie Cousin, Tu n'es pas ma femme, le déclenchement d'une psychose

55

Dominique Holvoet, Mode d'appareillage de la jouissance dans un cas de schizophrénie

59

Rachel Fajersztajn, Exilés du rapport sexuel

65

Clinique de la psychanalyse en institution

Dominique Haarscher, Le Courtil, une expérience

71

Alfredo Zenoni, Clinique psychanalytique en institution, 2è partie: la psychose

77

Geert Hoornaert, Le problème du Surmoi dans le traitement des psychoses

93

Françoise Deprost, De la féminisation dans la psychose, fragments cliniques

99

Jean-Michel Valtat, Maxime d'Antuono, De l'assistance éducative : le père inéducable

107

Alexandre Stevens, Sur les phénomènes hallucinatoires visuels (une présentation de malade)

115

Travaux

Marc De Cuiper, Réflexions sur l'alcoolisme dans l'oeuvre de Freud

120

 


Recorrido, pour le numéro 7
Par Alexandre Stevens

Nous avons été amenés à faire la clôture de la journée d'études de Lille, que nous reprenons ici à titre d'éditorial. La série des exposés que nous avons entendus au cours de cette journée d'étude sous le titre « L'inconscient et son rapport au sexe », peuvent se répartir sur deux axes : les exposés qui nous ont donné le cadre conceptuel du rapport de l'inconscient au sexe, et la série des exposés cliniques qui témoignent de ce rapport.

Franz Kaltenbeck et Geneviève Morel ont repris, pour ouvrir la journée, les fondements de la découverte freudienne. Franz Kaltenbeck nous a présenté la découverte freudienne de la cause sexuelle des symptômes et la prise au sérieux par Freud de ce fait. La cause sexuelle des symptômes a été reçue dans un « espace négatif » contrairement à la description des « monstruosités sexuelles » qui, si elles choquent en elles-mêmes, ne provoquent pas le même mouvement de rejet dans le travail de leurs descriptions. Le scandale est que cette cause est à rechercher dans la sexualité infantile, c'est-à-dire dans la pulsion partielle, « couleur de vide » qui met à bas les représentations et les idéaux.

Geneviève Morel a repris le terme d'inconscient, « drôle de mot », pour articuler que la réalité de l'inconscient est la réalité sexuelle. Elle a mis en valeur la fonction du désir de l'analyste dans la mise en acte de cette réalité en mettant le désir de l'analyste en tension avec des situations de transfert sauvage dans les cas d'Anna O. (vis-à-vis de Breuer), de Schreber (vis-à-vis de Flechsig), et dans un cas clinique personnel (vis-à-vis du médecin de cet analysant lors de sa naissance), cas où des paroles imprudentes ont fondé ce transfert sauvage.

Colette Soler nous a largement introduits par une conférence à la question de ce qui s'inscrit dans l'inconscient, comme savoir, de la relation sexuelle. Elle a distingué les inscriptions selon que celles-ci se règlent d'un savoir inconscient sur le sexe ou du désir sexuel inconscient. Elle a enfin précisé quelques points à propos de la sexualité féminine en se proposant de répondre à ces deux questions : qu'est-ce qui peut bien pousser un sujet à se mettre à la place de l'objet, quel est donc le désir proprement sexué d'une femme ?

Enfin, Rachel Fajersztajn nous a parlé de l'exil du rapport sexuel en nous faisant valoir à propos d'un cas, comment une problématique s'articule des deux côtés des formules de la sexuation.

Nous avons également entendu deux exposés traitant de névroses infantiles. Avec l'histoire de Bill et Antoinette, Véronique Mariage nous a déployé la série des figures de l'être et de l'avoir dans la dialectique phallique. Ce petit couple joue aux jeux de l'amour dans une institution « qui ne se veut pas trop éducative » comme le dit joliment Véronique $ c'est-à-dire une institution où l'idéal est pas trop sinon pas tout. L'un et l'autre de ces deux enfants montrent comment le manque est opératoire pour permettre au sujet névrosé de jouer ses cartes entre l'être et l'avoir, avec leurre et paraître qui maintiennent le désir de l'Autre non comblé. Le « pas trop » qui définit l'institution permet la démonstration d'un travail sur fond de manque hors du cadre habituel de la cure.

Colette Vanbeughen nous montre à propos d'un cas les rapports dialectiques du névrosé au manque tels que les organise la signification phallique, soit comme satisfaisant au manque de l'Autre, la mère en l'occurrence et répondant à la question d'être le phallus pour le désir maternel; comme s'inscrivant dans les identifications sexuelles et mettant en jeu les opérateurs de la sexuation, et comme opérant avec le refoulement.

Deux autres exposés ont présenté des cas que nous dirons névrosés extrémistes (selon l'expression de Colette Soler dans la discussion). Le cas développé par Herbert Wachsberger est spécialement intéressant pour ce qu'il montre d'un fantasme sexuel de jouissance masochiste présenté sur la scène, non voilé et connu dès l'enfance, qui permet à cette femme de se soutenir de l'amour du père et la situe ainsi du côté masculin de la sexuation bien qu'elle ait d'autre part une position en rapport à la jouissance féminine (pas toute).

Colette Chouraqui-Sepel nous a parlé sous le titre « docteur es-sexe » d'une névrosée « extrémiste » dans sa mise en jeu d'une débauche sexuelle et d'un désir qu'elle dévoile ainsi : s'évertuer à faire bander un homme mais surtout le mettre « hors de lui ». Extrémiste elle l'est encore dans son calcul à l'égard de ses choix d'objet où se glisse tout un savoir de classement informatique qui a pu faire hésiter au début de sa cure quant au diagnostic.

Enfin, nous avons encore entendu deux cas de psychoses classiques. Sylvie Cousin nous a présenté le cas d'un déclenchement psychotique et l'élaboration très précise du moment fécond de cette psychose.

Dominique Holvoet a présenté un cas de schizophrénie où il examine la question du retour de la jouissance dans le corps, c'est-à-dire dans la chair, quand sa régulation par la jouissance phallique fait défaut. L'Autre de synthèse, comme l'appelle Pierre Bruno, est le témoignage du remaniement de la fonction signifiante dès lors que le manque n'y opère pas. Dans le cas ici présenté, c'est presque d'un délire de nomination familiale qu'il s'agit. Le défaut d'opérativité du manque provoque le retour d'une jouissance qui ne peut s'appréhender que dans le mouvement de son rappel.

 

Alexandre Stevens,
Juin 1993