Éditorial | |
B. Seynhaeve, Le Courtil a dix ans | 5 |
A. Di Ciaccia, Correspondance | |
Place d'une clinique analytique en institution | |
V. Mariage, Le Courtil, une expérience de la surprise | 13 |
Ph. Lacadée, La marque de la subversion freudienne | 21 |
Ph. Bouillot, Comment transformer ou repousser à l'infini la rencontre du sujet psychotique avec son Autre | 29 |
Désir et parole | |
Anne Lysy-Stevens, Le scandale du désir | 37 |
Muriel Bal, De la constitution de la plainte à la subjectivation du symptôme | 41 |
Monique Marot, Les chaussures de l'Autre | 47 |
Claude Lagast, Illustration clinique du transfert sous la forme d une demande massive d'amour | 51 |
Frédéric Declercq , Le désir de savoir dans son rapport à l instance paternelle : conséquences pour la cure | 55 |
Bernadette Lemaire-Diricq, Enfants sans parole, énigme du désir | 59 |
Transfert et interprétation | |
Geert Hoornaert, Psychose et échec du fantasme | 69 |
Anne Weinstein, La plus divine des hystériques | 77 |
Nathalie Gueysen, Clinique des petits bouts, petits bouts de cliniques | 85 |
Pascale Besserer, Pratique de la parole et psychose | 89 |
Marie-Françoise De Munck, L'analyste comme « plus-un » | 95 |
Peter Walleghem, Le transfert dans la psychanalyse des enfants : la polémique entre Mélanie Klein et Anna Freud | 101 |
Le malaise et l'institution | |
Dominique Holvoet, Le programme de la civilisation... et celui de la psychanalyse | 111 |
Dominique Delplanche, La colère | 119 |
Sylvie Boudailliez, Le corps et la demande dans la psychose | 125 |
Monique Damave, Est-il possible d inscrire le travail de peinture dans le champ de la clinique analytique ? | 131 |
Hervé Damase, Qu'advienne un fou, alors... | 137 |
Le maître et son envers | |
Bernard Seynhaeve, Le discours du maître, qu'en faire ? | 145 |
Yves Vanderveken, Institution, Nom-du-Père et discours de l'analyste | 151 |
Athéna Lazarou, Demande en institution | 159 |
Françoise Deprost, « L'envers » du décor | 165 |
Jean-Pierre Rouillon, « La part prise » | 171 |
Les conséquences du réel | |
Philippe Hellebois, A propos de l'« introduction de la dimension psychotique dans l'éducation du débile » | 181 |
Monique Vlassembrouck, Le psychotique et l'Autre : conséquences de la paternité forclose sur le symbolique | 187 |
Jean-François Cottes, Structure psychotique et psychose | 193 |
Dominique Haarscher, Le désir de la mère et le choix du sujet | 199 |
Katty Langelez, Transfert et place de l'Autre dans la psychose | 207 |
Alfredo Zenoni, Inventer une institution | 213 |
Le travail du psychanalyste | |
Virginio Baio, Cito, tute, iucunde, une clinique avec le sujet autiste | 223 |
Guy Poblome, Comment un sujet psychotique vient à la parole | 229 |
Jean-Robert Rabanel, Prendre abri dans le discours | 233 |
Guil Caroz, Victoire du sujet | 243 |
Alexandre Stevens, La psychanalyse appliquée | 251 |
Relance | |
Jean De Munck, Sur le « Maître éclairé » | 261 |
Hommage à José Cornet | |
José Cornet, Travail social et psychanalyse. Abords de la maltraitance sexuelle intrafamiliale | 279 |
Editorial
du numéro 8/9,
par Bernard Seynhaeve
Le Courtil a dix ans
Le Courtil a dix ans *. Nous savons le poids du symbolique. Au-delà dun événement que nous comptons fêter joyeusement, cet anniversaire sera loccasion dun travail délaboration. Une occasion pour nous de tenter encore de formaliser quelque chose de cette praxis originale que constitue, pour une institution, la référence à léthique de la psychanalyse. Vous le voyez, votre participation à ces journées de travail aura pour nous une importance toute particulière dans ce moment de notre dialectique institutionnelle. Si le Courtil est né dun débat, il se pose aujourdhui comme une question quadresse la psychanalyse à tous ceux qui y travaillent. Je tâcherai de vous montrer en quoi ce que vous avez à nous dire doit nous faire avancer dans ce débat qui nous occupe et nous préoccupe toujours.
Reprenons-en les termes. LI.M.P. de Leers Nord a été fondé dans les années cinquante par une communauté de religieuses : « Les Filles de la Sagesse ». Un souci de rigueur dans le travail les a conduites à rechercher assez vite la collaboration de professionnels de la santé mentale. Plus tard, un psychanalyste puis des psychanalystes dailleurs reconnus comme tels par la direction de lépoque ont été embauchés. Mais dire que des psychanalystes travaillent dans une institution nest pas encore dire que linstitution se réfère à la psychanalyse, est traversée par le discours de lanalyste. En effet, pendant plusieurs années linstitution était essentiellement pédagogique. Sa visée consistait à répondre à la demande qui lui était adressée. Pour être plus précis, linstitution répondait à la demande pédagogique des parents. Je sais quà cette époque les psychanalystes ne seraient pas restés dans linstitution si celle-ci était restée sourde à la question qui lui était adressée par-delà la demande.
Je me souviens par ailleurs des questions que moi-même je me posais au début des années quatre-vingts. Poser la question : faut-il répondre à la demande ? supposait déjà que non. Plus tard je découvrais que cette question faisait lhypothèse de linconscient et introduisait la dimension de la cause.
Cest à cette même époque quAlexandre Stevens joua son va-tout je lai compris plus tard, ce nétait pas présenté ainsi en me demandant de pouvoir fonder le Courtil. Vous le voyez, ce projet venait à croiser mes propres questions. Jétais donc intéressé. Davantage même, je voulais y participer. Véronique Mariage y fut demblée aussi. Heureuse conjoncture. En la personne de Louis Deroubaix, présent parmi nous, je remercie notre Conseil dAdministration de nous avoir soutenus.
En septembre 82, nous ouvrons donc dans une ferme une petite unité de vie avec quelque quinze enfants de lI.M.P. qui, bien que présentés comme débiles, étaient psychotiques ou névrosés. Depuis, le Courtil na cessé de se ré-inventer. En 88, nous créons deux extensions. Un an plus tard, nous publions les Feuillets du Courtil. En 92, forts de lexpérience passée, nous fondons le Courtil n°2 composé dun Centre de jour, des Extensions et de deux nouveaux lieux de vie : les Appartements du Courtil et le Courtil Centre Adultes. Le nouveau Courtil accueille jusquà quatre-vingts enfants, adolescents et jeunes adultes psychotiques ou névrosés. Entre temps, les publications des Feuillets du Courtil se poursuivent. Le n° 7 vient de paraître. Nous mettons aujourdhui, avec ces journées, le n° 8 et le n°9 en chantier.
En dix ans, le Courtil sest fait son style. Je cite Alexandre Stevens :
« Le Courtil se caractérise par sa référence à la clinique psychanalytique appuyée sur la lecture des textes de Freud et de Lacan, sans négliger aucune autre référence théorique utile à sa formalisation. Lexigence de formation pour toute personne qui y travaille se déduit de cette prémisse. Cette clinique a acquis un style particulier par le mode dintervention mis en oeuvre dans la pratique et largement travaillé avec dautres, spécialement nos collègues de lAntenne 110. Ce travail a produit des résultats, réussites et échecs. [...] Il faut reconnaître que notre mode de travail sest progressivement adapté surtout à des psychotiques qui parlent et donc qui délirent à loccasion et à des névrosés prêts à subjectiver une plainte.
Avec les séminaires et les groupes de travail qui se tiennent à Leers, avec notre articulation étroite au Champ freudien et à lEcole de la Cause freudienne, avec enfin la publication des Feuillets du Courtil, notre style est également orienté par lexigence de transmission. Cest par là que nous pouvons témoigner que notre visée en institution est, malgré ses paradoxes, celle de léthique psychanalytique (...) » (1).
Aujourdhui, chacun qui travaille au Courtil est confronté dans la clinique à un réel qui interroge en permanence sa praxis. Vous le découvrirez dans ces journées. A côté des autres, je soulèverai quant à moi une question relative à la demande adressée à linstitution; question qui sinscrit dans le titre de ces journées.
Premièrement, contrairement à ladulte, lenfant ne sadresse pas spontanément à linstitution. Il est adressé à linstitution et est ainsi mis a priori en position de ne pas avoir de demande. Il est considéré dans ce procès comme non désirant. On considère que sa demande se confond avec celle de lautre, en loccurrence, celle de ses parents. Or, lorsquun être parlant adresse à un analyste une plainte plainte dont il peut à loccasion faire porter la cause par un petit autre, objet de son affection , on ne voit pas pourquoi on soccuperait de lobjet de sa plainte. Accepter un enfant sans autre forme de procès, cest dune part, prendre le risque de donner consistance au fantasme parental, dautre part forclore le sujet qui peut advenir dune demande chez lenfant.
Deuxièmement, la demande des parents comporte en soi sa réponse. Sils sadressent à une institution de soins ou pédagogique, cest quils ont, dès avant avoir sonné à notre porte, une petite idée de ce quils en attendent. Leur enfant refuse leur signifiant maître. Ils font porter sur lui le poids de leur plainte et sils consultent cest quils sont en panne dans leur savoir. Nous sommes, nous, supposés combler le vide qui a troué leur savoir. Nous sommes censés savoir les solutions, les remèdes; nous possédons les techniques pédagogiques, psychologiques ou médicales qui ils en ont lespoir imposeront enfin lIdéal parental. Voilà leur demande. Il sagit donc, dès ce premier temps de la demande, de les introduire à la dimension de la cause; opération qui consiste à maintenir vide une place de lx du désir dans lInstitution. Cette introduction dentrée de jeu à lau-delà de la demande fait parfois basculer le discours du maître, auquel les parents convient linstitution, sur son envers.
Vous qui venez de lAntenne 110, de Nonette et dailleurs, et qui avez choisi de faire une place au discours de lanalyste, dans cette tentative de formalisation de limpossible que constitue pour une institution le paradoxe de la référence à léthique de la psychanalyse, nous vous invitons à prendre position. Vous qui ne connaissez pas dexpérience institutionnelle ou qui en connaissez une autre, nous attendons avec une certaine impatience vos remarques et vos questions.
Bernard Seynhaeve
Juin 1993, allocution d'ouverture au première journée du RI3
NOTE
(1) A. Stevens, L'Agenda du Courtil, n°1, sept. 1992
Lettre de Antonio Di Ciaccia, fondateur de l'Antenne 110 (Bruxelles)
Rome, le 11 juin 1993
Chers amis,
Il mest impossible aujourdhui dêtre avec vous.
Je le regrette, mais lorganisation du Congrès du Groupe Italien de lEcole Européenne de Psychanalyse qui aura lieu à Rome samedi et dimanche prochains, et la préparation de lAssemblée Générale des Membres et Correspondants du Groupe Italien qui aura lieu vendredi 18, mont demandé plus defforts que prévu.
Mais, empêché dêtre présent, je voudrais encore plus fermement manifester mon témoignage de lesprit de travail qui anime nos amis du Courtil.
Le travail qui est en oeuvre dans une équipe comme celle du Courtil est $ paradoxalement $ un travail à la fois sur le fil dune longue tradition et en rupture avec elle.
Il est sur le fil de la longue tradition par quoi notre histoire nous a appris à reconnaître les éléments dune chaîne à travers laquelle les enfants et les adolescents se repèrent pour tenter de devenir adultes.
Ce travail est le travail de chaque société, effectué avec plus ou moins de bonheur par rapport à la structure inconsciente.
Mais là où votre travail est en rupture avec la tradition a son origine exactement au point où la tradition narrive plus à véhiculer le désir dun sujet.
Cest ici que ce travail $ travail de rupture avec la tradition $ se révèle un travail nouveau, inédit, dont le but nest pas le maintien dune chaîne signifiante, mais la promotion dun sujet désirant.
Dès lors, ce travail, que la tradition conçoit comme perpétuant un savoir-faire, réalise en fait la transmission d'un savoir de la structure.
Bien que à Rome, je suis avec vous à Tournai.
Amicalement,
Antonio Di Ciaccia
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